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harlem renaissance

La Renaissance de Harlem (Harlem Renaissance) est l’un des mouvements culturels les plus emblématiques de l’Histoire africaine-américaine. Apparu durant l’entre-deux-guerre, il concerne plusieurs domaines artistiques comme la photographie, la musique, la danse, la peinture et la littérature. L'objectif était, pour les Africain·e·s-Américain·e·s, de tenter d’atteindre, par le biais de l'art, l'égalité et la reconnaissance dont iels avaient été privé·e·s. Fini la honte et l’oppression, l’élite intellectuelle noire veut porter fièrement sa culture !


Il est communément admis que cette période débute dans les années 1920 et que la crise de 1929 stoppe l’élan. Néanmoins, certain·e·s auteur·e·s prolongent le mouvement jusqu’à l’entrée des U.S.A dans la seconde Guerre Mondiale en 1941.


Si la Renaissance ne se limite pas au quartier new-yorkais de Harlem, celui-ci n'en concentre pas moins un nombre remarquable d'intellectuel·le·s et de talents, ce qui en fait la capitale symbolique de ce mouvement.



Pourquoi Harlem?

Depuis 1910, les Africain·e·s-Américain·e·s quittent massivement le sud rural pour s’installer dans les grandes villes industrielles du Midwest et du Nord-Est pour fuir la ségrégation et le racisme institutionnalisé, renforcé notamment par l’arrivée des lois Jim Crow. Ces lois ont été mises en place pour entraver l'exercice des droits constitutionnels des Africain·e·s-Américain·e·s acquis au lendemain de la guerre de Sécession.


C’est « La Grande Migration ». Au total et jusqu’en 1970, plus de 6 millions d’africain.e.s-américain.e.s se déplacent.

Avec plus de 170’000 Africain·e·s-Américain·e·s, Harlem est la plus forte concentration de personnes afro-descendantes aux Etats-Unis. Une fois arrivé.e.s à New-York, rejeté·e·s du centre-ville, iels se regroupent à Harlem, quartier bourgeois, déserté par les blancs·ches.


L’affirmation d’une culture - “The New Negro”

Le mouvement souhaite repenser la conception du « Nègre » et s’affranchir des stéréotypes blancs qui ont influencé le rapport que les Africain·e·s-Américain·e·s entretiennent avec leurs racines et entre eux. Il est d’ailleurs considéré comme faisant partie d’un mouvement plus large appelé « The New Negro », en référence à cette redéfinition du statut et de la condition de personne afro-descendante. On doit ce nom à Alain Locke, considéré comme le père fondateur du mouvement, qui rédige, en 1925, un essai intitulé “The New Negro”. Dans cet essai, A. Locke, philosophe de formation, prône une multiculturalité et insiste sur la nécessité de la présence de styles, de croyances et de cultures différentes pour avoir une démocratie harmonieuse.

La Renaissance de Harlem fait figure d'exception dans les mouvements littéraires et artistiques en raison de ses liens étroits avec les organisations de défense des droits civiques et avec celles qui prônent des réformes.


Jamais dominé par une école de pensée particulière mais plutôt caractérisé par un débat intense, le mouvement joue un rôle fondateur pour tout l’art africain-américain et eut, plus tard, de considérables répercussions dans le monde entier.


Des nouveaux artistes vont venir s’établir et/ou travailler à Harlem comme l’activiste Marcus Garvey ou le musicien Duke Ellington; des peintres, comme Aaron Douglas que l’on surnomme « le père de l’art africain-américain »; des sculpteurs comme Richmond Barthé ou des photographes comme James Van Der Zee, dont le travail documente la naissance d’une identité noire moderne. Le mouvement profite de l’existence d’une bourgeoisie noire qui choisira Harlem comme lieu de rendez-vous.


7th Avenue à Harlem en 1920 sous l’oeil de James Van Der Zee.

De même, des associations, des organisations et des journaux fleurissent soutenus par des mécènes et protecteurs·ices africain·e·s-américain·e·s mais parfois aussi, blancs·ches. La presse va faire la promotion de la culture émanant de Harlem comme le magazine The Crisis fondé par la célèbre National Association for Advancement of Colored People (Association Nationale pour l’Avancée des personnes de couleur) qui fait connaitre des œuvres d’artistes africain.e.s américain.e.s. Des écrits de militant.e.s seront également publiés.


1920 Universal Negro Improvement Association (U.N.I.A.) parade à Harlem.

Les artistes féminines ont participé très activement à la Renaissance de Harlem, plus en tant que chanteuses, actrices, danseuses et écrivaines qu’en tant que plasticiennes. En effet, l'accès à la scène des arts plastiques était plus difficile que celui des arts du spectacle. La pratique de la peinture et de la sculpture en particulier n'étaient pas considérées comme appropriées au genre féminin. Deux sculptrices, Meta Vaux Warrick Fuller et Augusta Savage, cette dernière étant une activiste, ont marqué cette période de leur empreinte, mais leur travail a été largement négligé et n'est pleinement évalué par les historien·ne·s de l'art qu’aujourd'hui. Si le sujet du genre dans le jazz t’intéresse, on te propose d’aller lire notre article sur le sujet.


Meta Vaux - The Wretched - 1902 - Collection de Maryhill Museum of Art

Augusta Savage et sa création Realization, c. 1938.

Il ne faut pas croire que si les Africain·e·s-Américain·e·s devenaient populaires et accédaient à une certaine notoriété, iels étaient traité·e·s de manière égale pour autant. De nombreux établissement accueillants des artistes Noir·e·s n’acceptaient qu’un public blanc; paradoxe d’un peuple privé de l’art créé par ses membres. Dans tous les domaines, qu’il s’agisse des conditions d'accueil, de voyage, des rémunération ou encore des droits d’auteur·e·s, ces artistes, écrivain·e·s, peintres, sculpteurs·rices se retrouvaient souvent lesé·e·s et peu considéré·e·s en tant qu'individu.


De plus, la popularisation de ces artistes s’est souvent accompagnée d’une fascination malsaine, d’une hypersexualisation et se heurte à des mythes et des images basés sur des stéréotypes. Durant tout le mouvement de Renaissance de Harlem et bien après aussi, les artistes vont se battre pour déconstruire cela. Si tu as envie d’en savoir plus à ce sujet, on t’invite à regarder la bande-annonce de ce documentaire qui devrait bientôt être disponible:


Et le swing dans tout ça ?

C’est au sein même de cette émulation culturelle que naissent le Swing, le Lindy hop et le Solo Jazz. Le mouvement visait à donner une voix aux Africain·e·s-Américain·e·s et rien ne permettait de mieux le faire que le Jazz.


Dans les années 30’, le quartier de Harlem devient « the place to be ». Bessie Smith, James P. Johnson, Count Basie, Duke Ellington, Billie Holiday, Ethel Waters et bien d’autres grandes stars de la musique viennent à Harlem. Des grandes salles de concert et de bal sont à Harlem comme le Cotton Club réservé qu’aux blancs·ches. D’autres artistes se produisent au Savoy Ballroom, l’Alhambra, le Roseland, le Connie’s Inn et le Small’s Paradise. Les églises protestantes noires sont aussi des lieux de musique et les appartements se transforment en lieu de fête. Ces “rent parties” ont joué un rôle déterminant dans le développement de la musique et de danses swing. Elles ont permis à toutes celles et ceux pour qui les clubs étaient inaccessibles ; soit par manque de moyen soit car l’accès leur était interdit ; d’entrer en contact avec la musique live et/ou enregistrée et la danse. Le quartier entier bouillonne.


Artistes en 1929 au Small’s' Paradise

Les intellectuel·le·s de la Harlem Renaissance, très élitistes, voient d’abord le jazz d’un mauvais oeil. Pas assez sophistiquée pour elleux, iels ne considérèrent pas cette musique comme rendant service à leur cause. Mais la génération suivante et le monde entier vont leur donner tort et voient la force de cette musique.


La Renaissance de Harlem a attiré l'attention sur les œuvres littéraires et artistiques des Africain·e·s-Américain·e·s, leur donnant une voix, un accès à un statut et une possibilité de faire avancer leurs causes. Le Jazz a été un ingrédient important dans l'appréciation de leurs talents artistiques. Il a offert, pour la première fois dans l’Histoire des Etats-Unis, les premiers rôles à des artistes noir.e.s. Le jazz, et le swing en particulier, plus que toute autre musique, sont intimement liés à la lutte contre l’oppression. Leurs formes de musique et de danse sont pleines de sens, militantes, symboles d’un combat pour l’égalité et une recherche de liberté.


Pour conclure

La Renaissance de Harlem marque un tournant dans l’Histoire des Etats-Unis. Pour la première fois, les Africain.e.s-Américain.e.s sont considéré.e.s comme contribuant à la culture populaire de leur pays. Ce mouvement porte aux yeux du monde un art créé par une communauté longtemps reléguée au statut de “sans culture”, “sans histoire”. C’est l’expression d’une culture opprimée et supprimée, pendant plusieurs siècles.


Into Bondage de Aaron Douglas, 1936

Portrait of Sisters _ James Van Der Zee, 1926

La Renaissance de Harlem est le premier mouvement africain-américain qui n’a pas été rejeté ou renié par les blancs-hes. Un accès à la reconnaissance, l’affirmation d’une culture soudainement digne d’intérêt qui sème également les premières graines de ce que deviendra, dans les années 50 et 60, la lutte pour les droits civiques.


Tu as envie de découvrir les fantastiques artistes de la Renaissance de Harlem ? En voici une petite liste non-exhaustive :

Littérature/Poésie : Alain Locke, W.E.B. DuBois, Marcus Garvey, James Weldon Johnson, Langston Hughes, Countee Cullen, Claude McKay, Arna Bontemps, Jean Toomer.

Sculpture et peinture : Meta Vaux Warrick Fuller , Augusta Savage, William H. Johnson, Aaron Douglas, Jacob Lawrence

Photographie : James Van Des Zee

Acteurs-trices : Paul Robeson, Charles Gilpin

Musique et danse : Ma Rainey, Bessie Smith, Adelaïde Hall, James P. Johnson, Count Basie, Duke Ellington, Billie Holiday, Ethel Waters, Florence Mills, Josephine Baker, Bill "Bojangles" Robinson, Nicholas Brothers.


Tu peux également visionner cette vidéo qui présente 7 artistes emblématiques de la Renaissance de Harlem.



On te conseille aussi de regarder la série “Self Made” sur Netflix. Il s’agit de l’adaptation de la biographie “On Her Own Ground” d’A'Lelia Bundles (2001) relatant la carrière de sa grand-mère, Madam C.J. Walker (1867-1919), première femme d'affaires africaine-américaine à devenir millionnaire dans le Harlem des années 1910.


Rédaction: Ariane Travers et Flavia Ciaranfi


Sources:



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